Vincent Fouda: Au Cameroun déviance sexuelle et soumission sexuelle vont de pair
[ Ottawa - Canada ] ( 6/06/2006) M. Mba Talla
Dans le cadre de ses grandes entrevues, Icicemac.com est allé à la rencontre de Vincent Sosthène Fouda. Journaliste, politologue, philosophe et sociologue tel un compositeur qui requiert chaque instrument pour composer sa partition, le Dr. Fouda conjugue les disciplines.Dans cette oeuvre multiforme, on garde le cap sur l’Afrique notamment quand il parle de « la notion de réussite et d’échec dans la filiation adoptive, analyse juridico-sociologique » (L’Harmattan 2001). Deux autres ouvrages toujours chez le même éditeur rendent compte de la « construction de l’État-Nation en Afrique noire » et analysent le rôle de l'Etat comme « garant de la raison ». Le sociologue veut se servir du travail scientifique pour éveiller les consciences. Nous avons rencontré ce combattant pour parler avec lui de l’Afrique et du Cameroun en particulier.
M. Mba Talla : Ces dernières semaines, le pays tout entier a été secoué par une liste d’homosexuels présumés, parue dans des journaux camerounais. Que vous inspire la vraie –fausse affaires des Homos ?
Vincent Sosthène FOUDA : Je répondrai en deux temps à votre question, car elle me semble assez complexe selon qu’on est au Cameroun et camerounais, selon que l’on est à l’extérieur et appartient à la communauté des lecteurs internationaux au prix de la libre circulation de l’information.
Il y a un air du "Bikutsi bouffe" au Cameroun arrosé au sang des innocents, avec une finalité avouée, l’aliénation le peuple au point de l’interné ! La communauté internationale comme certains organismes bien crédibles mais mal informés sont amenés à soutenir l’insoutenable. Il faut être fou pour penser que les journalistes camerounais qui sont poursuivis aujourd’hui par un certain nombre de hauts cadres de la gestion des affaires au Cameroun, ont pris des noms au hasard parce qu’ils voulaient faire chanter telle ou telle personnalité de la vie politique, économique et religieuse du Cameroun. Il y a cependant eu une pauvreté de vocabulaire et un manque de définition ethnologique et anthropologique des termes et sans doute un manque d’analyse sociologique de la situation. J’ai personnellement participé au débat mais avec le recul je me suis rendu compte que le mot « homosexuel » n’était pas approprié, je l’ai souligné mais certainement pas suffisamment. Une certaine presse occidentale notamment à coup de publireportage a jeté l’opprobre sur les journalistes ou ceux qui se veulent comme tel mais un publireportage comprenons nous bien c’est l’argent du contribuable camerounais qui est donné à un magazine pour affirmer que tel ou tel n’a rien à voir avec les fameuses listes. Vous pensez que c’est sérieux ?
Il n’existe pas au Cameroun un problème d’homosexualité, le fait d’ailleurs que la justice refuse de dépénaliser l’homosexualité découle d’une certaine volonté politique non pas de protéger la société contre je ne sais quoi mais plutôt de mystifier et de « mythifier »la pratique de soumission sexuelle tout comme on le fait avec la politique, tout pouvoir est divin, mythique et mystique, il n’y a pas de frontière entre les deux.
Selon vous pourquoi la justice camerounaise a refusé il y a quelques semaines d’ouvrir le débat sans doute nécessaire de ce que vous appelez la soumission sexuelle ?
La pénalisation de l’homosexualité vise à l’intériorisation des pulsions corporelles d’une part, à garder ces pratiques comme rite d’admission dans le cercle de ceux qui nous gouvernent. Entendons-nous bien, la dépénalisation permettra et j’en suis certain, de parler publiquement de questions sexuelles et même avec les enfants. On ferait ainsi leur éducation car derrière les pratiques sexuelles de soumission se trouve un problème plus grave qui est celui de la pédophilie. Il faut comprendre que la sexualité avec ses corollaires, ses déviances, ses détournements, comme la pédophilie et les pratiques sexuelles de soumission au Cameroun sont des secrets que l’État, l’Eglise, les sociétés secrètes utilisent comme des instruments de Pouvoir. La dépénalisation de l’homosexualité cèdera la place à une autre manière de se comporter et de parler plus franche et plus réaliste, rien ne sera plus tabou surtout pas la politique et l’exercice du pouvoir.
Il convient au Cameroun de parler de déviance sexuelle mieux encore de soumission sexuelle pour la promotion et la fabrique de l’élite et ceci à tous les niveaux et lorsque des juges demandent aux journalistes d’apporter des preuves, ils devraient commencer par définir ce que l’on entend par preuve dans le monde du droit et de la justice et ensuite dans celui du journalisme. Que fait-on de la protection des sources pour les journalistes ?
Les peines auxquelles ont été condamnées les prévenus sont la preuve si besoin est que la justice camerounaise a voulu béatifier et canoniser ceux qui ont été jetés en pâture par la presse. Mais le problème reste le même et il est réel, une certaine catégorie de Camerounais, prise dans le tourbillon des « cercles aujoulatistes » a choisi d’avilir la conscience collective. Oui au Cameroun, il existe des pratiques sexuelles initiatiques qui sont un mélange de rites initiatiques traditionnelles et d’un syncrétisme de sociétés exotériques d’origine occidentale telles que la Rose Croix
et la Franc
maçonnerie pour ne citer que les plus connues. Le cannibalisme à des fins politique existe par exemple au Gabon, à chaque approche d’une consultation électorale on assiste à la disparition des jeunes enfants que l’on retrouve deux ou trois jours après mutilés ! Que manque-t-il à ces corps inertes ? Les parties génitales. En Afrique du Sud, le viol de jeunes filles d’origine indou pour se prémunir ou guérir contre le Sida existe, ce sont des pratiques africaines qu’il faut dénoncer, très souvent il est difficile d’apporter des preuves contre ces pratiques.
Le président Biya, dans son message de fin d’année, a martelé, s’agissant de l’enrichissement scandaleux de certains membres du régime : “Il faut que cela cesse ! ”. Les interpellations d’anciens gestionnaires de sociétés d’Etat, et ministre de la création d’une Chambre des comptes et d’une Commission nationale anticorruption (Conac) ont suivis ne disposant ni de pouvoirs de sanction, ni de moyens propres pour assurer son indépendance de décision. Pensez-vous que le président Biya ira aussi loin dans sa cette croisade annoncée contre la corruption ?
Depuis bientôt trois ans, je mène des enquêtes de terrain pour essayer de comprendre le phénomène de la corruption au Cameroun et en Afrique. Je le situe à plusieurs niveau pour faire court : Il me semble que la lutte contre la corruption devraient concerner tous les Camerounais du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées. Il me semble que nos sociétés, à solidarité mécanique, prisonnière d’un Etat providentiel ont du mal à passer dans le monde moderne avec ses exigences, notamment pour ce qui est de la gestion des personnes et des ressources économiques. Le Président Biya, aura beau marteler ce qu’il veut, si la population n’est pas éduquée, si l’Etat tel que nous l’avons jusque là considéré n’opère pas une véritable révolution copernicienne, alors il nous restera encore du chemin à faire. Il y en a qui on tiré sur les fonctionnaires, j’aimerais apporter un élément de contradiction dans ce concert de voix. Il est normal que les fonctionnaires camerounais soient riches le contraire serait inquiétant. L’État-Nation camerounais est basé sur l’administration, le fonctionnariat, le corps des fonctionnaires et des agents de l’État est le plus gros pourvoyeurs de fond à l’État, au niveau des impôts et des services. J’ai lu un papier d’un avocat camerounais qui est scandalisé par ce fait alors que le corps des avocats camerounais est un des corps le plus flou du Cameroun ! Il y a des gens qui pensent que l’on peut plaquer sur les pays africains des concepts, des pratiques et des théories pensés pour d’autres peuples et d’autres civilisations ! Oui l’Afrique et le Cameroun en particulier donne l’impression de n’avoir jamais philosopher pour son propre compte.
Selon vous quelle sont les faces de la corruption au Cameroun ?
Pour mieux me faire comprendre par vos lecteurs, chaque fois que l’on utilise « un pouvoir, un bien public à des fins privés », c’est de la corruption. Donc nous pouvons situer ces pratiques à deux niveaux et elles n’épargnent personne. Les revendeurs qui veulent avoir plus que la valeur marchande réelle de l’objet proposé, les fonctionnaires et agents de l’Etat indélicat qui puisent dans les caisses de l’Etat, ceux qui expatrient les devises de la République
soit pour s’acheter des villas dans des pays occidentaux dans lesquels certainement ils n’iront pas vivre. Pour moi tout ceci n’a qu’un visage c’est l’incapacité de l’homme camerounais à faire face à la modernité. Nous nous voilons parfois la face en disant avec fierté que le « mot » corruption n’existe pas dans plusieurs de nos langues africaines, l’encyclopédie a retenue l’expression camerounaise « politique du ventre » pour parler de la corruption ! Le service public devrait déjà cessé d’être un lieu de rencontre des ressortissants de telle ou telle autre localité pour devenir un lieu où l’on rend service à l’usager contre une rémunération à la fin du mois, laquelle nous est versée par l’Etat qui lui-même prend cet argent des impôts que le contribuable que nous sommes lui verse. Si nous sommes tous capable de le comprendre alors nous aurons fait un pas de géant dans la lutte contre la corruption.
M. Biya peut-il efficacement combattre la corruption et la mauvaise gestion publique lorsque que l’on sait que de nombreux ministres encore en poste et autres les directeurs généraux de sociétés disposent de fortune dont-ils ne peuvent justifier l’origine ?
Pour moi le problème n’est pas celui de la justification des fortunes mais celui de la restitution des biens du peuple à l’Etat ; des biens de l’Etat. Il y a un système qui a longtemps prévalu, celui de la non séparation et de la confusion des caisses au Cameroun en raison des mécanismes que j’ai expliqués plus haut. Le concept d’Etat-Nation nous est étranger avec tout ce que cela entraîne, sa conceptualisation, je veux parler des théories qui le fondent et des pratiques qui le légitiment. Nous vivons dans des sociétés à solidarité mécanique qui obligent les gestionnaires des crédits publics à se soucier plus du devenir d’un village voire d’une famille à celui de tout un peuple.
Le Journaliste et sociologue Vincent Fouda
Les choses changent et le Président Biya avec car, au dessus de sa tête pend désormais l’épée de Damoclès ; l’épée du temps, au terme de ce mandat il ne pourra plus se représenter à l’élection présidentielle.
Les directeurs généraux de sociétés, les ministres et autres gestionnaires sont chacun en ce qui le concerne responsable devant la justice et d’autres devant le parlement, jusqu’à présent ces deux institutions n’ont pas pleinement joué leur rôle, aujourd’hui devant la pression des institutions internationales, les choses bougent mais pour qu’elles changent la dynamique devrait venir de l’intérieur. Le mouvement devrait être senti, subi et compris par tous ce n’est qu’à se prix que se construit et se consolide un Etat-Nation.
Que pensez-vous des marches organisées par certains dignitaires du RDPC en faveur de « l’opération épervier » ?
Ils chantent avec les loups, c’est le travail des militants d’un parti en Afrique mais c’est ridicule quand des universitaires et autres pseudo intellectuels et « dignitaires » envoient des motions de soutien, ils ne sont plus dans leur rôle.
C’est là un grand facteur de pessimisme pour l’avenir de notre pays ! Le rôle terrible des intellectuels dans leur grande majorité. Je trouve que c'est une faillite. C’est la course à l’échalote ! Au dolet national si vous permettez ! C’est la ruée au poste et l’on est tous pris jusqu’à la vente de son âme au diable, on danse avec les loups, j’ai du mal à croire à une telle déconfiture. L'univers médiatico-journalistique des intellectuels médiatiques ou des journalistes intellectuels, tout cet univers-là est globalement parvenu à un état de soumission qui est pathétique et très souvent dans la bonne foi : c'est un effet d'ignorance ou d’une volonté d’ignorance. Les intellectuels camerounais ne connaissent rien à la réalité sociale ou feignent de l’ignorer, ce n’est pas demain qu’on verra les universitaires, les syndicats, dans la rue dans un vaste mouvement social. Les universitaires camerounais suivent en fait le plus offrant. Lorsque des dignitaires descendent dans la rue pour soutenir telle ou telle opération, même s’ils sont membre du Parti au pouvoir j’estime qu’ils ne sont plus dans leur rôle. Vous savez 80 à 90% de ceux et celles qu’on nomme « dignitaires » sont tous membres du parti au pouvoir et lorsqu’on organise une opération « main pauvre » dans la gestion des affaires de l’Etat, ils sont les premiers visés, s’ils sont de nouveau les premiers à descendre dans la rue non pour protester mais pour soutenir, il y a là quelque chose de surréaliste !
Dans une entrevue donnée à Jeune Afrique Economie en 1992, Robert Messi Messi avait brandi des preuves qui mettaient directement en cause le Président Biya au sujet de la dilapidation des fonds de l’État. Comment le Socio-politologue que vous êtes peut-il expliquer la volonté tardive du Président de s’attaquer à la corruption ?
Les déclarations de Robert Messi-Messi n’étaient une bombe que pour les enfants que nous étions à l’époque. J’ai parlé plus haut des sociétés à solidarité mécanique qui sont les nôtres, l’entourage du chef de l’Etat comprend tous les membres de sa familles proches et éloignés, ses amis y compris tous ceux et toutes celles qui sont nommés par lui pour la gestion de la chose publique. C’est à ceux-là qu’incombe la bonne marche des institutions et de ce qui leur est confié. Quand vous connaissez l’Afrique et le Cameroun en particulier, vous devez savoir que les gestionnaires sont responsables de leurs indélicatesses dans un premier temps parce qu’ils sont là non pour la bonne gestion de ce qui leur est accordé mais pour « servir » celui qui les a nommé. Ils sont là parce qu’ils font partis de ce que j’appelle les « sujets de l’élite fabriquée. » Monsieur le directeur Robert Messi-Messi est quand même celui qui a fait couler l’une des banques majeures du Cameroun, c’est lui qui m’a fait prendre conscience qu’en Afrique et au Cameroun en particulier l’on ne va pas à l’école pour travailler par la suite mais pour occuper un poste !
Qu'est ce qui explique aujourd'hui le retour en arrière que tente d’opérer le gouvernement sur le champ de la liberté de la presse?
La pléthore des journaux dans les kiosques ne signifie pas la liberté de la presse, la pléthore de partis politiques ne signifie pas la démocratie ! Il faut faire très attention, au Cameroun le nombre de partis politiques est proportionnel au nombre d’ethnies ! La démocratie est un jeu d’organisation permettant l’alternance, la participation du plus grand nombre, la prise en compte des aspirations des uns et des autres parce que personne n’a la science infuse. Les populations ne sont pas pour la plupart dotées d'instruments d'analyse qui leur permettraient de comprendre ce qui se passe, ils tombent dans tous les panneaux en toute bonne foi et en grande partie par ignorance. J’ai personnellement vu le rôle qu’on joué les médias dans l’alternance au Sénégal, le Président Diouf quoi qu’on dise ne pouvait pas ou plus confisquer le pouvoir alors que le monde entier grâce aux radios FM émettant depuis le Sénégal diffusaient bureau par bureau les résultats du scrutin. La mondialisation des institutions, de l’information fait peur aux dictatures et à ceux et celles qui nous gouvernent. Quels que soient les résultats des enquêtes diligenter par les uns et les autres, beaucoup on compris que rien ne sera plus comme avant et c’est en cela que la plainte du Ministre de l’Economie et des Finances est indécente, c’est une absurdité, un mépris du peuple camerounais mais c’est typiquement camerounais et on ne saurait trouver d’équivalent dans aucun autre pays dans le monde. Le but de tous ces procès est de bâillonner la presse, terroriser le peuple et enfin tuer dans l’œuf les soupçons de révolution douce décelée ça et là. Un projet de loi beaucoup plus sévère a été déposé à l’Assemblée Nationale par le gouvernement car c’est ainsi au Cameroun c’est le gouvernement et lui seul qui a l’initiative de proposition de loi. L’Assemblée Nationale devient alors une chambre d’enregistrement de ces lois qui ne tient point compte des réalités de vie de l’immense majorité de camerounais et camerounaises.
Vincent S. Fouda
Les journalistes ont fait leur travail c’est au peuple aujourd’hui à se mobiliser pour eux ! A Paris j’ai signé des pétitions pour la libération des journalistes prisonniers en Irak, le peuple camerounais devrait soutenir la presse, les directeurs de publication, signer des pétitions, organisez des marches au lieu de laisser la machine écomico-politique, les détenteurs du pouvoir symbolique tout anesthésier. Regardez le problème des magistrats, on leur a confié des dossiers et j’ai personnellement pensé que nous devions assister à une espèce de prise de pouvoir par les juges mais non ! Ils ont béatifié et canonisé à tour de bras ! Il y a un concubinage flagrant entre les différents pouvoirs au Cameroun, Les Eglises, l’exécutif, le législatif et le judiciaire ! C’est le Ministre de la Justice
qui met à la disposition de la Justice
une liste de personnalités à interpeller après avoir permis à certains proches de quitter le Cameroun ! Comment expliquez vous que l’ancien fondé de pouvoirs de la Société Immobilière
du Cameroun ait échappé à la justice ? Il est normal de s’interroger sur ses connections avec le Ministre d’Etat en charge de la Justice.
Qu’est-ce qui justifie que beaucoup de fonctionnaires camerounais de la catégorie A2 de la fonction publique quittent de plus en plus le Cameroun comme de simples voleurs et autres débrouillards pour vivre de petits boulots hors des frontières nationales ?
C’est la faillite de tout le système ! L’Etat et ceux qui l’incarnent sont en faillite, il faut être aveugle pour ne pas le voir. Chaque année c’est des centaines de fonctionnaires de la catégorie A2 qui quittent le Cameroun certains au sortir des écoles de formation, ENS, Polytechnique, ESSTIC, Ecole des Postes, etc non pas pour se perfectionner mais pour tenter de « s’en sortir » ! Est-il seulement pensable que dans un Etat comme la France
, d’ Enarques, de Normaliens et d’ X partent à la fin de leur formation alors même qu’ils ont été préparés pour construire et diriger le pays ? Aujourd’hui l’Etat Camerounais s’autojuge mais de la pire des manières ! Comme je l’ai signalé plus haut. Le Vice-premier ministre en charge de la justice organise des réunions pour savoir qui interroger, qui incarcérer et qui laisser en liberté ! L’opération commencée malheureusement n’apportera pas grand chose excepté si les Camerounais et les bailleurs de fonds restent vigilants.
Dès son arrivée à la tête l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic) en septembre 2005, le Pr. Laurent Charles Boyomo Assala à procéder à la modification des dénominations de certaines structures dans l’institution de cette institution. Quel regard jetez –vous sur cette institution ?
L’ESSTIC est en voie de redressement comme bien d’autres instituts au Cameroun qui ont à leur tête des hommes et des femmes qui nous inscrivent dans une dynamique de construction. Il y a des initiatives à soutenir et les reformes de l’ESSTIC entreprises par son directeur en font parties. Vous savez, il y a au Cameroun un certain nombre d’école qui a l’origine étaient appelé à jouer un rôle majeur dans la zone CEMAC, ce sont Polytechnique, l’ENAM, L’Ecole des Postes et Travaux Publics, l’ISJ devenu ESSTIC aujourd’hui et tout récemment le Centre de Formation d’Ekounou pour la CRTV. Ces
Ecoles et Instituts ont besoin d’avoir à leur tête des visionnaires et des hommes de courage, d’audace.
Quinze années après les premières élections au Cameroun, quelle évaluation faites-vous de ce processus de démocratisation ?
Le Cameroun est une dictature douce, c’est la plus terrible des dictatures, le monstre le plus froid de tous les monstres froids dont parle Nietzsche à l’ouverture du 20è siècle ! Nous n’avons pas encore mis sur pied les infrastructures devant et pouvant permettre des élections libres et démocratiques. J’ai parlé plus haut d’un multipartisme anarchique favorisé à la fois par un pouvoir qui n’a aucun intérêt à voir les choses changer et par une opposition irresponsable qui singe le pouvoir et n’aspire qu’à faire la même chose que lui et peut-être en pire. D’autre part, les grandes théories de la démocratie occidentale ne collent pas aux réalités africaines d’une société et d’une population analphabètes de ces théories.
Quel regard jetez-vous sur le mélodrame qui a lieu actuellement au sein du Sdf, de la disqualification des autres partis comme pôles de contestation et d’alternative du régime RDPC ? Doit- on dire conclure comme Celestin Monga que ‘L’opposition a trop longtemps sous-estimé M. Biya"?
Je n’ai jamais cru à l’opposition camerounaise et ce qui se passe au sein du SDF vient me conforter dans cette position. Nous avons une opposition de circonstance dont le seul projet, le seul but et la finalité est l’exercice du pouvoir en dehors de tout programme d’action politique et de toute formation et sensibilisation des citoyens à la chose politique. Tout se passe comme si l’on voulait simplement dire « Nous voulons que Paul Biya parte et nous nous arrangerons entre nous après ». Ce n’est pas ça faire de la politique. Maintenant je ne crois pas véritablement que la machine RDPC soit responsable de la déliquescence du SDF.
Entrevue réalisée par M. Mba Talla à Quebec, Canada
Partie II à lire jeudi sur icicemac.com
• Vincent Sosthène Fouda est diplômé de l'Ecole de Journalisme de Lille - Diplômé de Sciences Politiques - Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothécaire (ENSSIB). Docteur en Sciences Politiques, il est actuellement professeur de sociologie à l’Université Laval au Québec, est auteur de plusieurs articles scientifiques et de plusieurs ouvrages tous publiés aux éditions L’Harmattan dont :
1- EGLISES CHRÉTIENNES ET ETATS-NATIONS EN AFRIQUE :Un couple tenté par l'adultère, novembre 2005
2-LES MÉDIAS FACE À LA CONSTRUCTION DE
L'ETAT-NATION EN AFRIQUE NOIRE : UN DÉFI QUOTIDIEN AU CAMEROUN, janvier 2004
3--NOTION DE RÉUSSITE ET D'ÉCHEC DANS LA FILIATION ADOPTIVE
Analyse juridico-sociologique, octobre 2002